Loi travail : Ce qu’il faut retenir du texte.

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Déclaration au CE du mois d’août 2016

À l’issue d’un parcours d’obstacles qui a vu se succéder les versions (et visions) du projet de loi, que faut-il retenir du texte définitivement adopté le 21 juillet et publiée au Journal officiel du 9 août sous le nom de Loi 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

Au terme de cinq mois de débats et polémiques, le projet de loi Travail a été définitivement adopté à l’Assemblée nationale ce 21 juillet.

Le texte initial, « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs », a été amplement transformé et rebaptisé « projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ».

Tout du long, la CFDT a été en première ligne pour en faire un texte porteur de progrès pour les salariés, à la fois par davantage de dialogue social, dans l’esprit du rapport Combrexelle, et par de nouveaux droits attachés à la personne, dans la continuité d’une décennie de sécurisation des parcours professionnels. C’est aussi des militants CFDT Astek, qui sont intervenus auprès des instances CFDT pour peser sur différents articles dès la première version du projet de Loi. Le monde du travail ne s’arrêtant pas aux portes d’Astek, l’adhésion et le soutien à une organisation syndicale nationale permet de peser effectivement sur l’ensemble des débats, des négociations qui nous concernent.

La compétitivité (aussi) dans l’intérêt des salariés

Les mesures inacceptables de la première version n’ont pas fait long feu face à une contestation unanime : le gouvernement a dû céder sur le plafonnement des indemnités prud’hommes, rétablir un droit du travail supplétif (qui s’applique en l’absence d’accord) à la hauteur de l’existant, renoncer à étendre le pouvoir de décision unilatéral de l’employeur, rétablir le périmètre du groupe pour apprécier la justification d’un licenciement économique…

Mais c’est surtout par l’ampleur de ses propositions que la CFDT a pesé. Avec deux lignes de force : le renforcement des droits des travailleurs et l’affirmation du dialogue social comme vecteur de compromis permettant de concilier la compétitivité des entreprises (et donc l’emploi en France) et les intérêts des salariés, en faisant confiance aux acteurs de terrain pour trouver les solutions les plus adaptées à leurs réalités.

C’est l’esprit du fameux article 2 : si les conditions d’un accord majoritaire (validé par des organisations pesant 50 % ou à défaut la majorité des salariés consultés à la demande d’organisations pesant 30 %) sont réunies, les modalités d’organisation du temps de travail peuvent être négociées, dans les limites ouvertes par la loi.

Si tel n’est pas le cas, c’est le droit du travail actuel qui continue de s’appliquer. La loi entérine également, en les encadrant, les accords défensifs et offensifs pour l’emploi, tels qu’en ont signé STX, Renault, Michelin ou Peugeot, mais aussi nombre de plus petites entreprises qui font face aux mêmes mutations : partage de l’information pour un diagnostic partagé ; préambule précisant les objectifs poursuivis ; négociation par la voie du mandatement ; droit à l’expertise ; durée de cinq ans par défaut.

La culture du dialogue social

La loi vise aussi à renforcer la culture du dialogue social. À commencer par le mandatement (d’un élu ou d’un salarié) en l’absence de délégué syndical, qui n’est plus limité aux négociations obligatoires.

La branche a vu son rôle de régulateur réaffirmé en matière de salaires minima, classifications, garanties collectives complémentaires et mutualisation des fonds de la formation professionnelle, mais aussi de prévention de la pénibilité et d’égalité professionnelle. D’ici deux ans, chaque branche devra négocier son ordre public conventionnel, soit « les thèmes sur lesquels les accords d’entreprise ne peuvent être moins favorables que les accords conclus au niveau de la branche, à l’exclusion des thèmes pour lesquels la loi prévoit la primauté de l’accord d’entreprise ».

Concernant les acteurs du dialogue social, la loi sécurise la mise à disposition de locaux syndicaux par les collectivités territoriales ; elle augmente de 20 % les heures de délégation syndicale ; elle clarifie la prise en charge de l’expertise CHSCT par l’employeur ; elle permet de répartir, par accord, le budget des activités sociales et culturelles des comités d’établissement au prorata des effectifs ; une partie du budget de fonctionnement pourra aller à la formation des élus. Enfin, la CFDT a obtenu la création d’une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise de plus de 300 salariés si les conditions et l’organisation du travail dépendent de la tête de réseau.

Droits sociaux du XXIe siècle

L’autre grand volet de la loi, c’est l’ambition de construire des droits adaptés aux bouleversements du marché du travail. C’est l’objectif des mesures encadrant les forfaits-jours (mesure de la charge de travail, droit à la déconnexion, etc.) comme de la responsabilisation des plateformes (accidents du travail, formation professionnelle, droits syndicaux, etc.) vis-à-vis de « leurs » travailleurs lorsqu’elles dictent la nature de la relation avec les clients.

Cette ambition est surtout au cœur du compte personnel d’activité que la CFDT a mis sur les rails lors du congrès de Marseille en 2014 et que le gouvernement a repris à son compte. C’est une première étape majeure, même si son contenu est pour l’heure limité au compte personnel de formation et au compte personnel de prévention de la pénibilité, auquel s’ajoute un nouveau compte d’engagement citoyen – mais pas de compte épargne-temps, comme la CFDT le revendiquait.

La grande nouveauté du CPA, c’est qu’il bénéficiera à tous les travailleurs – jeunes, indépendants, agents publics, salariés – dès l’âge de 16 ans jusqu’à la fin de leur vie. En outre, et la CFDT y tenait, la loi acte le principe d’un accompagnement global et personnalisé, notamment par le biais du conseil en évolution professionnelle, pour renforcer l’effectivité de ces droits.

Autant de briques à partir desquelles la CFDT ambitionne de construire à terme un dispositif plus complet. La concertation sur « les dispositifs pouvant être intégrés dans le compte personnel d’activité », prévue d’ici le 1er octobre 2016 entre les partenaires sociaux devrait servir cet objectif. Reste à savoir si l’ensemble des acteurs, patronat en tête, auront retrouvé le chemin de la raison d’ici là.

Les textes d’applications « d’ici la fin de l’année »

Si l’échéancier de publication des autres textes réglementaires n’a pas encore été rendu public, les grandes lignes sont connues. Le renforcement de la place de l’accord d’entreprise nécessite plusieurs décrets en Conseil d’État, attendus entre octobre et décembre.

Ceux relatifs au compte personnel d’activité (CPA), qui regroupera dès janvier les comptes formation, pénibilité et « engagement citoyen », sont annoncés dès octobre.

Les accords de préservation ou de développement de l’emploi sont également soumis à plusieurs décrets, notamment pour préciser comment un salarié pourra être licencié s’il refuse une modification de son contrat de travail. La réforme des licenciements économiques, d’application directe, entrera pour sa part en vigueur dès le mois de décembre.

Quant à la règle de l’accord majoritaire, elle s’appliquera également automatiquement au 1er janvier 2017 sur les sujets relatifs au temps de travail, puis en septembre 2019 dans les autres domaines.

Seules les modalités de la consultation des salariés à la demande d’organisations représentant 30 % des suffrages devront être précisées par décret.